
« Le voyage de Barrès, après ceux de Chateaubriand, de Lamartine, de Gautier, de Gérard de Nerval, aura été le dernier des voyages romantiques d’Orient, des voyages vers l’Orient romantique. Là encore 1914 marque la grande coupure. Cet Orient n’existe plus », écrivait Albert Thibaudet, pour qui la Grande Guerre mettait fin à une lignée de voyageurs.Cet ouvrage interroge l’influence de la guerre sur la vision et l’écriture de l’Orient chez des savants et des écrivains, notamment André Gide et Pierre Loti.À partir d’Une enquête aux pays du Levant, livre de Barrès publié en 1923, mais issu d’un voyage de 1914, il identifie plus largement les mutations du genre du récit de voyage entre le long XIXe siècle, marqué par le romantisme, motivé par la quête spirituelle, et les années d’entre-deux-guerres où se développe le genre du grand reportage, marqué par un intérêt plus politique lié à la présence coloniale française en Syrie et au Liban.
Le célèbre guerrier et poète Antar, auteur d’un des Mu’allaqât, héros de ce roman, avait demandé en mariage sa cousine Abla. Son oncle Malec la lui promit mais, voulant se soustraire à une alliance avec le fils d’une esclave abyssinienne, il l’entraîna dans toute une série d’aventures périlleuses. Antar, conjuguant bravoure et héroïsme, triompha, bien sûr. Voilà donc l’argument de départ de ce roman composé au XIIe siècle, profondément remanié au XVe, dont la forme évolue avec le temps au gré des conteurs, à la manière des Mille et Une Nuits. Cette Odyssée arabe est mise au premier rang de la littérature héroïque. Elle n’est pas sans évoquer les romans de chevalerie qui jouissaient d’une forte audience à la même période en Occident. En France, c’est Alphonse de Lamartine, qui le premier, adapta des passages de ce roman dans son Voyage en Orient (1835). De multiples extraits seront traduits tout au long du XIXe siècle, dont cette très belle version de Marcel Devic parue en 1864. Traduit de l'arabe et adapté par Marcel Devic Illustrations d’Étienne Dinet
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Gérard de Nerval. Lorsque le futur auteur des "Filles du feu" décide en 1842 de partir pour l'Orient, c'est en partie pour se fuir lui-même, ou pour se retrouver, ayant conscience qu'il est sur le point de perdre cet équilibre si instable qui fait de lui un fou terriblement lucide. Le 1er janvier 1843, il s'embarque à Marseille. Le voilà en Grèce, prêt à tout admirer, puis en Égypte. Il séjourne longuement au Caire, dont il rapporte plusieurs chapitres de notes aussi solidement documentées que hautement poétiques. La Syrie, la Turquie, le Liban, où il étudie en profondeur la vie et les moeurs des peuples de la région. Partout, il n'est jamais simplement un touriste, mais aussi un poète et un explorateur. Dans le chapitre des "Nuits du Ramazan", il nous donne de vives images des bazars et des théâtres d'Istanbul, recueillant ensuite de la bouche d'un conteur fameux la merveilleuse histoire de Soliman et de la Reine du Matin. Relatant son voyage qui dura près d'une année, Gérard de Nerval n'a pas les préjugés ni la soif de pittoresque de ses compatriotes, Chateaubriand, Flaubert ou Lamartine. Il est un...
Au cours du XIXe siècle, le " voyage en Orient " était pratiquement devenu chez les intellectuels européens un rite de passage qui donna lieu à un grand nombre de récits. Le voyage de Blyden, publié à Manchester en 1873, est le premier dû à un observateur afro-américain. Edward Wilmot Blyden (1832-1912) est né dans les Antilles britanniques et réside au Liberia d'où il partira en 1866 pour se rendre à Londres, puis à Malte et de là à Alexandrie, au Caire, au Liban et en Palestine. Cultivé, imprégné des voyages antérieurs, de la Bible, attiré par la religion musulmane, il se montre sagace, attentif et particulièrement sociable auprès de protagonistes les plus divers. Sa position d'Afro-Américain le rend plus sensible à certaines situations. Il mentionne à plusieurs reprises les Africains qu'il a croisés, les fidèles d'une mosquée à Jérusalem, les pèlerins bambaras au Caire mais aussi des communautés généralement ignorées des auteurs occidentaux de l'époque, comme les coptes. Les antiquités égyptiennes, fruit à ses yeux d'une civilisation africaine, sont l'objet d'une véritable passion qui l'expose à des savoureuses aventures semi-comiques. ...
Quand la notion d’intertextualité est apparue à la fin des années 1960, elle s’inscrivait dans une « théorie du texte » insistant sur la « productivité » de l’écriture et la signifiance comme « procès ». Instituée en catégorie générale par ses promoteurs, elle ne prétendait pas constituer un instrument critique, mais participait d’un projet philosophique. Plus tard, quand l’intertexte a commencé à faire l’objet de descriptions dans une visée poéticienne, la critique littéraire y a gagné des concepts opératoires ; elle y a peut-être perdu les perspectives générales que la théorie du texte cherchait à imposer. En se proposant de travailler sur trois mots – reprise, répétition, réécriture – les comparatistes ont voulu relancer l’intérêt pour l’intertextualité en ce début de XXIe siècle où cette notion, employée dans un contexte très éloigné de celui où elle a vu le jour, semble avoir perdu de son pouvoir de questionnement. Or toute étude comparatiste la convoque nécessairement, même si cela reste implicite, au point qu’on oublie de s’interroger sur son sens. Combien d’études de source ou d’influence se...